FLOORED, le documentaire sur les traders à la criée

Si je vous dis « Wall Street« , la bourse, et surtout, les traders déjantés quelles images vous viennent en tête ?

Il y a des chances que vous pensiez aux traders à la criée, les floor traders.

Moi aussi, mais je me suis rendu compte que je ne savais pas qui ils sont, ni ce qu’ils font.

Ce documentaire est venu combler (partiellement) cette lacune de ma part.

Résumé du documentaire Floored

Qu’est-ce qu’un trader à la criée (floor trader) ?

de 00:00 à 29:00

Cette partie du documentaire se charge des présentations. Elle nous explique qui sont ces traders à la criée, ce qu’ils font, comment ils travaillent, et dans quel environnement ils évoluent.

Ce que je trouve frappant, c’est qu’en action ces traders à la criée sont loin du stéréotype que l’on se fait du capitaliste paresseux, sophistiqué, le cigare à la bouche (quoi que non vous verrez…).
Ce sont des hommes « normaux », comme vous et moi, des travailleurs comme on pourrait en trouver dans n’importe quelle entreprise liée à la réalité de l’économie. Comme le résume bien un intervenant du documentaire, ce sont des « cols bleux »… oui, pas des cols blancs.

Effectivement, ils n’ont pas grand chose d’un sage, calme, et gringalet employé de bureau. Ils se rapprocheraient plutôt d’un mécano, un artisan du bâtiment ou d’un…. vendeur au marché !

Leur métier, leur environnement, et leur quotidien est physique, pénible même.
Debouts dans la fosse (the pit), collés les uns aux autres, baignant dans une odeur de transpiration, se hurlant dans les oreilles, et en venant parfois (plus ou moins modérément) aux mains.

les traders à la criée transpirent
trader à la criée transpire
Image par Linus Schütz de Pixabay

Et cela m’a en fait rassuré sur le microcosme contemporain du trading.
La plupart d’entre nous faisons partie de la classe moyenne. Nous n’avons en général pas grandi dans une famille très aisée, n’avons pas de diplômes spécialement prestigieux. Nous comptons sur le trading pour nous élever au-delà de notre condition sociale et financière souvent moyenne, voire moins.
Apparemment, c’était la même chose dans la fosse : des « monsieur tout le monde » sans prétention, loin du golden boy bien coiffé en costume, et un peu trop soigné.
Dans le pit, ça sent la sueur, la testostérone de base, et on y entend des insultes et un langage direct et sans pincettes. C’est vraiment une criée, une fosse…une arène. C’est une « bagarre » généralisée où il n’y a pas d’amis.
Ces gars-là ont du caractère, du tempérament, et une grosse voix.
On peut les détester ou les adorer, mais ils ne laissent pas indifférent.

Ensuite viennent les stéréotypes. Les traders à la criée à succès se lâchent sur les signes extérieurs de richesse, et sur les plaisirs de la vie. Cigares, golf, filles, et substances…. à coeur joie.
C’est là que l’on se rapproche du stéréotype du golden boy, du capitaliste caricatural.
C’est le col bleu, le middle class qui prend sa revanche sur la bourgeoisie, et peut se complaire dans les symboles les plus extrêmes de l’enrichissement.

Puis le documentaire nous donne quelques clés sur le rôle de ces traders à la criée, et la manière dont ils gagnent de l’argent.

Les traders à la criée qui perdent

de 29:00 à 38:00

On nous présente l’émouvante histoire d’un courageux ancien trader à la criée devenu employé de la bourse.
Suite à un mouvement extrême du forex, il perd son capital, et doit reprendre un job « normal » et emménager chez ses parents avec sa famille.

Soutenu par sa vocation de père de famille, il a surmonté le choc de la perte, maintenu sa tête sur ses épaules pour reprendre le chemin d’une vie normale, privée de l’accomplissement de rêves de grandeur, de richesse, de gloire.
Puis on voit un trader interviewé en état d’ébriété avec une dégaine de star du rock, qui se vante d’avoir « b…. » hum… fait l’amour à une playmate. On compris ensuite que c’est peut-être bien une perte insupportable qu’il essaye de noyer dans l’alcool..;

à partir de 38:00

Traders à la criée : la fin d’une époque

On arrive dans la partie « triste » et nostalgique du documentaire.
Toute l’effervescence, l’émotion, l’humanité, les caractères bien trempés (presque attachants parfois…si si), la vie de cette fosse, de ce pit. Disparaît pour laisser la place à de tristes nerds assis devant des ordinateurs, comme s’ils étaient punis…
…nous ?

trader ordinateur
Image par Loya Liu de Pixabay

Terminés les cris de rage, les grands gestes, l’action, le mouvement, la vie, maintenant on est sage et on trade assis devant son ordinateur, tout seul, sans les « copains ».

Mais ce trading devant l’ordinateur, ce computer trading ne fonctionne que pour une petite partie des traders à la criée repentis. La plupart d’entre eux ne parvient pas à tirer leur épingle de ce nouveau jeu.
Les traders à la criée mesuraient le marché à travers les humains qui le composent, leurs voisins. Ils lisaient leur langage gestuel, décryptaient leur émotion, ressentaient la panique ou la cupidité dans la fosse.
Cela n’a pas grand chose en commun avec des chiffres isolés, des courbes, ou des bougies japonaises qui défilent silencieusement sur un écran.

L’utilité des traders à la criée est presque entièrement remplacée par les ordinateurs depuis la fin des années 90.
Une profession de plus éliminée par les ordinateurs, par les machines, pour le meilleur ?
Théoriquement oui, l’informatique est censée améliorer la liquidité des marchés, et favoriser le trader individuel, le retail trader. Mais selon certains, le facteur humain de ces traders énervés manquerait aux marchés actuels trop robotisés, et encore incapables de remplacer totalement une certaine sagesse de l’Homme.

Quelques leçons retenues de ces traders à la criée :

Je pense avoir décelé quelques précieuses leçons de trading dans ce documentaire.

leçons des traders à la criée
Image par Sasin Tipchai de Pixabay
  1. le trading est émotionnel
    Aujourd’hui, mais de manière encore plus visible à cette époque des traders à la criée, l’émotion créait en grande partie le marché. Les traders de la fosse créaient, ressentaient, vivaient, et décelaient ces émotions, pour mieux anticiper le prochain mouvement à jouer.
    Bien que devant un ordinateur froid silencieux et … inhumain, nous devrions continuer à observer et repérer ces émotions, à travers les chiffres, les pourcentages de volatilité implicite, les tailles de bougie, et en tirer profit.
  2. ne pas perdre
    Plusieurs traders à la criée interviewés se rejoignent sur une règle de base en trading : ne pas perdre.
    Tout le monde peut gagner en trading, de manière parfois plus ou moins extrêmes. Mais au bout du compte, ce qui fait la différence entre le trader riche, le trader moyen, et le trader ruiné, c’est sa capacité à garder ce qu’il a gagné.
  3. l’analyse technique n’est pas la panacée
    J’en profite ici pour annoncer un prochain article majeur que je prépare pour le blog. Le documentaire Floored me sert sur un plateau une preuve que l’idée conductrice de cet article n’est pas infondée.
    On voit d’abord que les traders à la criée n’ont que faire des bougies japonaises et autres indicateurs sophistiqués. Deux traders sur ordinateur que l’ont suit n’utilisent pas non plus l’analyse technique, mais le carnet d’ordre.
    Enfin, scoop, Linda Bradford Raschke en personne, devant son arsenal d’écrans d’ordinateurs, flanqués de graphes et indicateurs techniques, avoue consacrer 99% de son attention au simple chiffre du prix immédiat…
  4. Le trader doit s’adapter…ou disparaître
    C’est la leçon la plus poignante de ce documentaire, et celle sur laquelle il est finalement conclu.
    La grande majorité de ces traders à la criée, quinquagénaires ou plus, ont été balayés par l’arrivée d’un nouveau monde qu’il n’ont pas compris, qu’il n’ont pas accepté, et qui les a éliminé sans pitié : l’informatique.
    Ils peuvent rager autant qu’ils veulent, se révolter, se plaindre, critiquer ce système, cela ne change rien. Ils n’auront pas droit d’accès à la corne d’abondance du trading informatisé.
    Seuls les plus adaptables, les plus flexibles y ont été autorisés (Linda Bradford Raschke notamment).
    Profitons de cette leçon pour garder l’esprit ouvert et adaptable. Ne nous agrippons pas à des outils, des techniques et stratégies qui ne fonctionnent pas, qui ne fonctionnent plus.
    N’ayons pas la paresse ni l’orgueil de rester passifs et figés dans notre trading. Comprenons le trading d’aujourd’hui, le trading de demain, et adaptons nous à lui, pour ne pas disparaître…avec notre capital.

En conclusion et en symbole, une vidéo bien francophone cette fois-ci, du dernier jour du trading à la criée du future cac 40.

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